Manifestations en France 2023

Manifestations en France 2023

Des slogans qui valent un long discours

13 octobre: de la place d’Italie aux Invalides

Plus de cinq mois sont passés depuis la manifestation du 1er mai dernier, la dernière à mobiliser largement les Français même s’ils étaient moins nombreux que les fois précédentes. En ce vendredi 13 octobre, l’actualité au Proche-Orient ainsi que le drame qui vient de frapper un établissement scolaire d’Arras ont renvoyé au second plan l’appel à la mobilisation de l’intersyndicale pour une revalorisation du pouvoir d’achat des français. Au-delà, les revendications portent sur l’égalité hommes – femmes en matière de salaires, sur des investissements plus conséquents en faveur des services publics ou encore sur une transition climatique socialement juste. De quoi mobiliser des millions de français que les nombreux sondages d’opinion récemment réalisés disent mécontents, inquiets voire même désespérés, beaucoup ont peur de basculer dans la pauvreté, dans laquelle sont plongés plus de 9 millions de leurs compatriotes.

Au départ de la place d’Italie, l’ambiance est joyeuse, les manifestants semblent contents de se retrouver, unis dans leurs combats. Les cortèges syndicaux se préparent, CGT en tête, des mouvements européens les ont rejoint. Quelques dizaines de black blocs ne viendront pas gâcher le rendez-vous et tant pis pour les dizaines de camions de CRS qui avancent en début de cortège. Dans les rangs, fonctionnaires, soignants, enseignants, ouvriers témoignent de leurs difficultés à boucler les fins de mois.

Le début du cortège…

Les slogans dénoncent le grand capital qui spolie les travailleurs, les entreprises qui polluent et qu’on laisse faire, les rémunérations des actionnaires qui flambent, mais la plupart s’inquiètent de la hausse continue des prix et réclament des moyens à la hauteur de services de qualité pour le pays. Une jeune travailleuse du sexe affiche avec humour son slogan « toutes les pipes méritent un salaire ». Beaucoup de jeunes, différents mouvements étudiants, de lutte pour une adaptation raisonnée au changement climatique ou pour un changement politique, tout court! La CGT évoque en fin de journée 200 000 manifestants dans toute la France, le gouvernement en indique dix fois moins. Qu’importe, la guerre des chiffres ne se situe pas sur ce terrain là, les Français se sont retrouvés.


1er mai: de République à Nation

La foule est joyeuse et nombreuse place de la République, au départ de la manifestation du 1er mai. Au-delà des parisiens, ils sont venus du Nord, de la Moselle, de Normandie ou encore de la région Centre. Toutes les catégories sociales semblent représentées, les bobos côtoient les prolos, les jeunes défilent côté à côté avec les anciens, des ultramarins sont venus manifester avec les métropolitains, étudiants, enseignants, pompiers, conducteurs de bus, ils sont tous là, avec ou en dehors des cortèges syndicaux. Heureux d’être au rendez-vous, déterminés aussi à crier leur colère, leur déception, pas dupes des récentes annonces et des « 100 jours » qui ne seront pas meilleurs. La paix sociale ne s’achète pas!

Comme les fois précédentes, des slogans à foison, c’est le 1er mai mais le travail n’est pas à la fête et le président fait cartons pleins « Macron le pénible, retraite immédiate« , « et Macron dans ta tête ça ne tourne pas rond, pour continuer à nous prendre pour des cons« , « Manu voulut être Thatcher il ne fut que Jean sans terre« , « des plumes et du goudron« , « Manu Ciao« , « Manu vas sur Mars et restes y!« , « Macron dégage le costard est trop grand pour toi« 

Quelques slogans affichent les velléités révolutionnaires d’une partie des manifestants comme cette jeune femme qui tient une pancarte « sur les pavés la rage » ou cette maxime taguée sur un mur « mort à la démocratie, vive l’anarchie« . Plus loin un portrait de Bernard Arnaud est signé « mort au vieux monde » et un jeune homme brandit « les vrais casseurs sont en costard« , un autre a écrit « à nous la ZAD à eux l’EPHAD« 

Certaines accroches sont en forme de programme politique « taxer le capital, pas le travail« , « l’ISF pour les retraites » et « pas de retraites pour les prolos pas de JO pour les bobos« .

Les casseroles, c’est une première, sont aussi à l’honneur: « All casseroles are beautiful« , « nous sommes tous des casseroles« , « nos casseroles sont plus fortes que vos réformes« .

L’arrivée place de la Nation a des airs de déjà vu: la police, qui s’est fait plutôt discrète sur le chemin de la manifestation, a ceinturé la place, les échanges de lacrymos, de jets d’eau et de projectiles avec quelques manifestants qui veulent en découdre gâchent un peu le plaisir des retrouvailles pour tous ceux qui ne se sont pas défilés et qui sont venus montrer leur volonté de ne pas en rester là.


6 avril 2023- Des Invalides à la place d’Italie

Esplanade des Invalides

Onzième journée de mobilisation contre la réforme des retraites et la détermination des manifestants est toujours là: les rames de métro déversent la foule station Invalide, elle met plusieurs minutes à rejoindre la sortie, se chauffant la voix sur des slogans qui rythmeront le parcours de la manifestation « la retraite à 60 ans, on l’a gagné on la reprend« . Le cortège s’est déjà élancé mais, sur l’esplanade, encore du monde et une ambiance festive, des gens contents de se voir aussi nombreux et de se retrouver autour de valeurs communes qui font le sens de cette mobilisation qui dure depuis plusieurs semaines.

Le 6 avril, le président Macron est en visite en Chine

Je remonte le cortège, surprise de voir autant de jeunes, ils sont visiblement plus nombreux que lors des manifestations précédentes, plus organisés aussi, représentés par de nombreuses pancartes à l’effigie de leur lycée ou de leur université. Ca chante, ça danse, ça frappe dans les mains, mais attention, loin de l’effet spectacle, il s’agit de montrer sa ténacité et sa volonté à continuer la lutte, fermement mais de façon pacifique, y compris en affichant un peu d’humour, comme pour exorciser les semaines si sombres qui ont jalonné les débats sur la réforme des retraites.

J’arrive au premier cortège syndical, reconnaissable à sa couleur orange, celui de la CFDT Cadres. Devant, les mouvements affichant des symboles anarchistes et quelques dizaines de personnes en noir. La foule s’amasse d’un seul coup car, devant, le cortège s’est arrêté. Les premiers bruits d’explosion raisonnent, de la fumée s’élève au devant, l’odeur du gaz se répand peu à peu. Nous sommes devant la Coupole, boulevard du Montparnasse. Des manifestants montés sur l’ossature de la terrasse extérieure du célèbre restaurant, et piétinant au passage les plates bandes fleuries, décrivent les affrontements qui ont lieu à l’avant entre les policiers et les manifestants. Soudain, très vite, un mouvement de foule s’opère, les policiers ont chargé, je me retrouve prise en tenaille contre le mur et réussit à m’éloigner un peu, l’odeur du gaz est de plus en plus forte. L’auvent de la Rotonde, en face, brûle, le début d’incendie est rapidement éteint. Quelques personnes se sont retirées de l’avant du cortège et se mélangent à la foule, les mains chargées de bouteilles et de cailloux, difficile d’entamer la conversation alors qu’elles vont passer à l’action, j’aurais bien aimé pourtant, je ne crois pas aux gestes gratuits, qu’y a t’il derrière tout ça?

Boulevard Raspail
Denfert-Rochereau

Après de longues minutes, la marche reprend, j’emprunte une rue perpendiculaire pour retrouver le cortège au croisement du boulevard Raspail. Les policiers sont sur les côtés, nombreux, et sur le parcours, quelques poubelles calcinées, quelques abris de bus détruits. Un peu avant d’arriver place Denfert-Rochereau, le défilé s’arrête à nouveau, même scénario que précédemment, un manifestant indique que le Crédit Agricole est en flammes, il n’en est rien mais il a subi quelques dommages quand même. La foule n’est pas découragée, elle s’élance joyeusement boulevard Auguste Blanqui pour la dernière partie du parcours. L’ambiance est moins tendue, manifestants comme policiers reprennent des forces. Le long de la ligne 6 du métro, quelques baraquements faits de bric et de broc, devant lesquels une dame âgée, assise par terre et saluant la foule, a planté quelques fleurs artificielles cache-misère. Autre réalité, celle du sans-abrisme, celle-là n’a pas les moyens de revendiquer des droits…. Dans le cortège, un vieux monsieur infatigable et armé d’une canne porte un lourd étendard à l’effigie du Che, provoquant un amusement teinté d’admiration de la part des jeunes manifestant à ses côtés.

Suite aux déclarations e du Ministre de l’Intérieur

Avant l’arrivée place d’Italie, la tension monte à nouveau et l’on entend des bruits, pétards, gaz lacrymogène, tout se confond. Les policiers se sont ressaisis et forment une ligne au milieu du boulevard qui coupe le cortège. Les manifestants huent leur mécontentement « cassez vous les flics« , les esprits s’échauffent, le désordre s’installe et le soulagement se fait sentir en arrivant sur la place, bientôt totalement ceinturée par les gendarmes. Les participants tentent de les ignorer, quelques-uns s’énervent de leur présence, craignant qu’elle n’exacerbe des mécontentements qui n’ont cessé de monter durant une marche éprouvante pour ceux qui ont été témoins des violences. Je quitte la manifestation un peu sonnée, me remémorant les premières mobilisations, plus sereines, sans présence policière. 400 000 personnes sont annoncées par la CGT, moins que précédemment mais ceux qui sont là sont prêts à poursuivre!


15 mars 2023- Esplanade des Invalides à Paris

C’est la huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. A Paris, le rendez-vous a été donné à l’esplanade des Invalides où les manifestants s’annoncent nombreux, les ballons des syndicats sont visibles jusqu’au Grand Palais. Le cortège se constitue rapidement, comme les fois précédentes, étudiants, profs et lycées ont répondu à l’appel, « étudiants sacrifiés avec retraite à 70 ans, études=carrière longue » et « dis mamie tu connais ma maitresse? Ben oui c’était la mienne aussi!« , tout comme certains syndicats de branche, les employés d’EDF, les cheminots, les éboueurs, les soignants « soignants en souffrance, soignants abandonnés et mal menés« , les fonctionnaires du Ministère du Travail ou encore les intérimaires « intérimaires retraites de misère ou intérimaires retraites au cimetière » et les postiers.

Pas touche aux retraites, stop à la casse sociale!

Comme les fois précédentes, de nombreuses pancartes affichent le rejet par les manifestants de la réforme: « ne touchez pas à nos retraites! » donne le ton et se décline, comme sur cette affiche décorée d’une rame de train « pas touche aux retraites stop à la casse sociale, rail public partout = mobilité verte pour tous« . Les participants s’adressent aux élus: « retraites et payes des sénateurs pour le peuple » et « députés écoutez le peuple, votez contre cette réforme qui demande plus à ceux qui ont moins« . Et tiennent à faire savoir qu’ils se sont informés « 2 ans de plus c’est 104 semaines, c’est la moitié des congés payées de toute ta vie qu’on te demande de rembourser!« .

La colère s’exprime aussi face à la vie chère « stop à la hausse des loyers« , « augmentez les salaires pas l’âge de la retraite« , « tout augmente sauf nos salaires » et aux inégalités ressenties « taxez les milliardaires pas les grands-mères« , « tu cotises, Arnault économise« .

Le président de la République cristallise la colère « vous avez faim de démocratie? Optez pour la formule Macron avec supplément de mépris » , « Rage against the Macron » et « 49.3 nuances d’autocratie« . Les pancartes le mettent aussi en scène avec sa première Ministre « je suis en manu tension et en borne out » ou celle-ci qui les met face à face: « c’est une révolte? » s’inquiète le premier, « non sire, ce sont des gens qui ont des inquiétudes, des doutes et qui veulent de la pédagogie!« .

Alors que le défilé arrive place d’Italie, un panneau en carton se veut optimiste « 1995, on a gagné; 2019-2020, 64 jours de grève, on a gagné; 2023: on va gagner« .


11 mars 2023- De République à Bastille à Paris

Il est près de 14h30, la place de la République est encore clairsemée, la mobilisation serait elle en baisse par rapport au mardi précédent? En s’avançant, le cortège s’étend assez loin tout compte fait, présidé par la CGT. Devant elle, un petit groupe de black bloc prêt à en découdre qui va vite se confronter à la grappe de policiers de la Préfecture de Paris, qui attend un peu plus loin. Le défilé s’est à peine élancé sur le boulevard du Temple que, déjà, les premières pétarades surgissent. Un peu plus loin, on croise la première rangée de policiers casqués qui charge au milieu de la tête de cortège. Bruits secs, fumée, des bombes lacrymogènes ont été lancées et les manifestants se pressent dans une rue adjacente. Quelques minutes plus tard, le calme revient et la foule s’élance de nouveau.

La mobilisation semble plus dense, maintenant les participants huent les policiers casqués qui se tiennent des deux côtés du boulevard. Les leaders mènent la marche, lentement mais fermement. Le mouvement atteint la place de la Bastille où attendent des centaines de personnes. Mais soudain les policiers défilent à la queue leu leu et bloquent la tête du cortège. Quelques longues minutes passent, où tout le monde se jauge, et puis les Cégétistes prennent la main et rompent le barrage policier, tout en délicatesse. La foule applaudit, le défilé continue, ceux qui attendaient sur la place rejoignent le cortège.

Le défilé s’étend, longuement: syndicats, citoyens, enseignants, mouvements étudiants, lycées, de nouveaux syndicaux, collectif LGBTQ, travailleuses du sexe, associations, Extinction Rébellion, encore des syndicats. L’ambiance est fraternelle, loin de l’image résignée soulignée par certains médias.

De nombreuses pancartes scandent le rejet de la réforme: « Voleurs de temps« , « non à la retraite, je veux un travail vite fait, bien fait » , « on veut des lois justes, on exige une démocratie » , « je ne veux pas perdre ma vie à essayer de la gagner » , « vieux dans la misère, jeune dans la galère« , « métro, boulot, caveau, non! » ou encore « toujours les mêmes qui paient pour que d’autres profitent« ? Certains ont choisi l’humour: « on ne battra pas en retraite!« , « aider une vieille à traverser la rue: oui; pour qu’elle y trouve un job? non » et « en moyenne on va tous en chier, source INSEE« 

Quelques slogans se font menaçants « si la réforme passe, on met les JO à l’arrêt« , « touche pas à nos retraites!« , ou encore provoquants « 69 ans, quitte à se faire baiser!« . Certains messages dénoncent l’absence de priorité donnée à la question environnementale: « pas de planète pas de retraite« , « 2° C de plus non, deux ans de plus non plus!« , « la planète brûle et Macron fait une réforme des retraites » ou encore « la priorité c’est la planète, pas la réforme des retraites« .

Les slogans anti président sont, enfin, très nombreux, les mots sont parfois violents, à l’image de la colère des manifestants: « A bas le petit führer: Macron dégage« , « Macron, ton monde on n’en veut pas« , « tous à la guillotine » ou « Macron, les capotes gratuites, c’est pour mieux nous enculer?. « Macron, méprisant de la République » dénonce le PCF. Une surenchère de jeux de mots à l’encontre de la première Ministre: « Borne out » ou « Borne to be a lie« , et la « start-up Macron » en prend aussi pour son grade, tout comme la droite en général, à l’instar de « un minimum retraite à 1200 euros, un diner pour Wauquiez!« 


9 mars 2023- Gare Saint Lazare à Paris

Il est bientôt 14h mais le parvis de la Gare Saint Lazare est encore clairsemé. Quelques dizaines de personnes sont là, en petits groupes, certains ajustent leurs pancartes, d’autres finissent leur sandwiche ou se prennent en selfie. « C’est toujours pareil, y’en a pleins qui sont en retard » soupire un jeune. Mais les banderoles commencent à s’aligner: coordination des facs d’Ile de France, lycées Voltaire, Michelet, Victor Hugo, ils ont répondu à l’appel. Un peu à part, trois militants « plus confirmés » semble t’il, plus âgés aussi, devisent entre eux: « tous les syndicats l’ont demandé localement mais Martinez n’a pas voulu paralyser totalement le pays« , regrette une dame. Son interlocuteur cite Germinal et évoque les grèves d’antan.

Pourtant, petit à petit, la place se remplit, des jeunes surtout mais aussi quelques personnes d’âge mur, venues les encourager: « allons-y monsieur, allons les soutenir » glisse une grand-mère, tout sourire, à son voisin. Les cheminots, en grève, sont là aussi. Un étudiant prend la parole, désignant du doigt la dizaine de policiers en retrait: « il y a la police vous avez vu?« , « bouh » clame la foule, « allez, ramenez les pour qu’ils manifestent avec nous!« . Quelques-uns s’élancent.

Un petit groupe de gilets jaunes s’approche et s’en prend à un journaliste: « BFM collabo, cassez vous, les gilets jaunes sont là« . Le journaliste agacé s’éloigne, à côté, il semble que ce soit Sandrine Rousseau, la députée LFI, qui soit venue faire un tour. Elle regarde la scène, les dents serrées.

Les étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture, l’ENSA « l’Ecole Nationale Sans Argent » dit la pancarte, massés de l’autre côté du trottoir, se joignent à la troupe. Ils sont très présents depuis le début de la semaine, ils dénoncent un manque cruel de moyens, des profs absents, les cours qui démarrent avec un mois de retard….

Le cortège s’élance, et les premiers slogans se font entendre: « Macron, président des patrons, grève générale, c’est ça la solution« , « on est jeune, on est fier et on est révolutionnaire« , « assez de cette société où règnent le chômage ou la précarité« , ou encore « on est plus en démacronie qu’en démocratie!« .

Quelques écharpes d’élus par ci par là, notamment le député LFI Thomas Portes, sanctionné quelques jours auparavant pour avoir tweeté une photo sur laquelle il pose, le pied sur un ballon à l’effigie du Ministre du Travail, Olivier Dussopt. Aujourd’hui il reste silencieux presque anonyme dans la foule, et il observe.

Le police retarde l’avancée du cortège, au bout d’une heure et demi, après quelques jets lacrymos, le cortège se vide assez vite, pour rejoindre ceux qui sont déjà place de la République.


8 mars 2023- Place de la République à Paris

Les manifestants arrivent par groupes, débouchant du métro de la Place de la République, venant à pied depuis la Gare du Nord ou Chatelet, alors qu’il commence à pleuvoir. Pas de panique, tout est prévu: capes, parapluies, plastiques pour protéger les panneaux en carton…du pragmatisme, toujours, dans une ambiance joyeuse, chaleureuse; on a plaisir à se retrouver, les femmes sont là, toutes générations confondues, mais beaucoup d’hommes aussi, sincèrement heureux d’être de la partie semble t’il. Les collectifs féministes sont à l’avant du cortège, sur le boulevard Voltaire, suivis des mouvements de soutien aux femmes en Iran, en Afghanistan ou encore en Amérique Latine, des mouvements LGBTQ+ et des étudiants. Les syndicats sont derrière, un peu à l’écart, ils ont souhaité se joindre à la mobilisation et mettre l’accent sur l’impact qu’aura la réforme des retraites sur les femmes, mais elles sont à l’honneur aujourd’hui, pas question de leur faire « de l’ombre ».

Stop aux violences

Au sein de cette mobilisation massive, les slogans fusent et peuvent surprendre par leur diversité.

Les droits des femmes, les violences faites aux femmes et les violences de genre sont mises en avant en cette journée du 8 mars: « le droit à l’IVG effectif accessible à toutes« , « on veut des droits, pas des droites« , « nous sommes nos corps » , « on ne nait pas femme, on en meurt » ou encore « plus écoutée morte que violente« . Si beaucoup ont le sourire, certaines mines s’affichent plus graves, la lutte est sérieuse et le phénomène beaucoup trop présent encore, le slogan « stop à la culture du viol » revient beaucoup.

Dans la mouvance du mouvement #MeToo , beaucoup de phrases incitent à briser le silence « je te crois« , « violeurs on vous voit, victimes on vous croit » et mettent à l’honneur la sororité « une femme touchée, toutes concernées« , promettant aussi d’appliquer la loi et de punir enfin « fin de l’impunité, place à la relève féministe, #MeToo politique« .

L’égalité, enfin!

C’est la « journée de la femme » et les revendications pour l’égalité sont elles aussi très présentes sur les pancartes: « égalité enfin!« , avec des messages qui tranchent: « lutter pour mon (seul) salaire ça n’est pas mon genre« , « le 8 mars, c’est comme la grève, reconductible« , « l’éducation féministe et inclusive pour toustes« ; dans ce combat, les hommes sont aussi des soutiens « les hommes de qualité ne craignent pas l’égalité« .

L’heure de la fin du patriarcat a sonné: « sexisme partout, justice nulle part« , « rage against the machisme« , « ni exploitation patronale ni gifle patriarcale« , « le sexisme nuit gravement à la société » ou encore « l’émancipation des femmes c’est l’émancipation de tous« . Les messages sont sans ambigüité et montrent parfois à quel point le ras-le-bol est présent, à en devenir même menaçant « brulons le patriarcat« , « détruisons le patriarcat pas la planète » et « mort au patriarcapitalisme« .

La réforme des retraites en arrière-plan

La journée du 8 mars arrive dans un contexte particulier, celui de la réforme des retraites, « pour toutes les femmes, avec ou sans enfants, c’est non! » ou « en grève jusqu’à la retraite« . Impossible d’ignorer les panneaux, nombreux, qui dénoncent la politique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement: « Macronie: déclaration de guerre sociale au peuple« , « Macronie=hypocrisie« , « Macron, ta réforme dépasse la Borne« . Sans oublier de récentes accusations auxquelles ont fait face certains hommes politiques: « Darmanin ministre pourri de l’intérieur » et « viol de gauche viol de droite même combat« .

La solidarité dans la lutte est très présente, notamment autour du slogan de la révolution iranienne « Femmes vie liberté » auquel est plusieurs fois rajouté « sororité avec nos soeurs de lutte« , la sororité aussi face à la violence « t’en touches une, nous riposterons toutes« . Les femmes migrantes ne sont pas oubliées « femmes migrantes vous êtes chez vous« .

Un vocabulaire nouveau

Parfois apparaît un vocabulaire un peu nouveau pour moi comme dans les slogans « respect et sécurité de nos adelphes » ou « mort au patriarcapitalisme pas à nos adelphes« , qui renvoient à la sororité, ou encore « l’écoféminisme ou la mort« , un retour de l’argot « staive le patriarcat » pour afficher son mépris et quelques sigles qu’il faut assimiler « stop VOG » pour parler des violences obstétricales et gynécologiques.

Je termine par un petit florilège de slogans qui montrent à la fois la colère, la détermination et la résolution de toutes les femmes, présentes ou absentes: « on ne rasera ni les murs ni nos chattes« , « aux hommes qui pensent que la femme est à la cuisine, gardez à l’esprit que c’est là que sont rangés les couteaux« , « regarde ma maquette pas mon décolleté« , « la cup est pleine« , « Le Corbusier a harcelé, Picasso a agressé, Victor Hugo a violé, Bertrand Cantat a tué,…on continue encore ou vous commencez à comprendre?« , « nos désirs font désordre » et le tout dernier, « laissez moi tout bruler« .


7 mars 2023- Boulevard Raspail à Paris

Depuis la Seine, les piétons se pressent, déjà nombreux, souvent par groupes, vers le point de rendez-vous, métro Sèvres Babylone, dépassant la rangée de fourgons policiers qui s’est positionnée dès le matin dans une rue adjacente. A une demi-heure du début de la manifestation, beaucoup de monde déjà au point de ralliement, le cortège s’est formé en amont le long du boulevard Raspail, les syndicats déploient leurs bannières, sont aussi présents de nombreux mouvements étudiants, des enseignants, des soignants, les sapeurs-pompiers de Paris… L’ambiance est bon enfant, la foule est à l’unisson, contente de se rassembler, de faire front ensemble, aussi nombreuse, car on mesure déjà l’ampleur de la mobilisation.

Un slogan donne le ton: « il faut vous le dire comment?« , faisant écho à des messages à la mesure de la colère des manifestants, « vu qu’on nous paye au lance-pierre, faut pas s’étonner si on s’en sert« , « rien ne sert de mourir il faut partir à temps« , « du boulot au cercueil, plutôt crever! (merci Siné) » ou encore « je suis mal (re)traitée » et « femmes moins payées, carrières hachées, pourquoi tant de haine?« .

Les fonctionnaires affichent leurs frustrations d’assister au délitement du service public: « nos métiers sont essentiels, nos retraites aussi« , « stop au massacre de l’école publique« , « ministères sociaux contre une réforme anti-sociale« , « et si au lieu des superprofits on favorisait les supers profs?« .

D’autres ont préféré l’humour ou la poésie pour exprimer leur refus d’une réforme qu’ils considèrent comme injuste: « Moins de turbin, plus de câlins » , « leurs yachts échoueront sur nos grèves » , « ce n’est qu’une question de choix de société« , « plus de retraités joviaux, moins d’évadés fiscaux« , « pourvu qu’elles soient douces (nos retraites)« , « faut pas pousser mémé à travailler« , « à part le mépris, les mensonges et les lacrymos, on attend toujours que ça ruissèle » ou bien « on pourra télétravailler en Ehpad«