Palestine

Palestine

Octobre 2023-

J’ai ouvert cette page en octobre 2022, alors que je retournais pour la première fois depuis quinze ans dans les Territoires palestiniens, vous y trouverez plus bas mes récits. Mais l’actualité depuis le 7 octobre m’amène à publier ci-dessous les témoignages qui me parviennent de la Bande de Gaza ces dernières semaines, envoyés par les amis palestiniens vivant là-bas. Alors que les gens de Gaza meurent sous nos yeux, que la communauté internationale regarde ébahie se dérouler jour après jour cette tragédie, que la Bande de Gaza est déjà largement rasée, que sa population se terre, affamée, terrifiée, empêchée de fuir, je republie les images et les textes tels qu’ils m’arrivent.

9 octobre 2023

Le bruit des avions au-dessus de Gaza

10 octobre 2023

Nous n’avons pas dormi de la nuit, les bombardements sont incessants

13 octobre 2023

Nous sommes dans une situation très difficile, je viens de quitter ma maison détruite, la voici en photo, je ne sais pas ce qui va arriver…

20 octobre 2023

Des missiles lancés dans la nuit sur la ville de Gaza.

21 octobre 2023

Nous sommes dans une école de Deir el Balah, nous avons quitté le nord parce que nous n’étions pas en sécurité, la situation est très difficile, nous sommes en danger.

22 octobre 2023

Un quartier bombardé dans la ville de Gaza.

10 novembre 2023

Ma famille va bien, nous survivons jusqu’ici, ce qui se passe aujourd’hui, c’est quelque chose que je n’ai jamais vécu auparavant ici à Gaza…

C’est horrible, de pire en pire à chaque minute…

11 novembre 2023

Nous avons survécu un jour de plus, là où d’autres n’auraient pas pu…Bonjour depuis Gaza.

Des mouvements de foule importants…Les écoles sont pleines de déplacés…Plus de pain ni de farine depuis hier…Très difficile de trouver de l’eau. Nous n’arrivons pas à cuisiner avec le gaz. Les produits manquent, les prix ont flambé partout, pour tout. On peut lire l’épuisement sur les visages.

13 novembre

Une attaque à Nusseirat il y a une heure.

La situation à Gaza est pire un peu plus chaque jour. Boire de l’eau devient rare. Les boulangeries sont toutes fermées par manque de farine et de gaz. Les produits de base sont rares ou inexistants. Les sources d’énergie nécessaires pour nous éclairer et recharger les batteries et les téléphones mobiles ont été détruites. La vie se retire lentement à Gaza.

19 novembre 2023

Le marché vide à Nusseirat, dans le centre de la Bande de Gaza.

La ville de Nusseirat

21 novembre 2023

Tu entends le bruit d’un missile pendant quelques secondes, puis vient le son de l’explosion….le ressenti est terrible…

22 novembre 2023

6 personnes tuées des familles Al Nouri et Badwan, parmi lesquelles 5 enfants, conséquence du ciblage d’un « appartement résidentiel » au centre du camp de Nusseirat.

C’est une machine pour faire le pain à la maison, auparavant elle fonctionnait à l’électricité, nous l’avons bricolé pour la faire marcher au charbon.

24 novembre 2023

Bonjour, j’ai survécu avec ma famille encore une journée….ce qui n’est pas le cas de plus de 14 000 personnes….La trêve a commencé.

26 novembre 2023

Je suis resté silencieux ces deux derniers jours, pour ressentir la trêve et réaliser ce qui nous était arrivé…A part le fait que le silence ait remplacé le bruit des avions et des bombardements, il n’y a rien de neuf…Les produits de base manquent toujours sur le marché. le gaz et l’essence manquent toujours. Les gens ne peuvent pas retourner chez eux voir l’état de leur maison, emporter les vêtements et les couvertures dont ils ont besoin…Et, le plus important dans tout ça, la peur du premier jour après que la trêve aura pris fin… Les bombardements vont reprendre, de plus en plus violents, et la souffrance va croître. Le calme ne signifie rien pour les gens, excepté une courte pause entre deux souffrances. La seule chose que j’essaie de faire, c’est de sécuriser le strict nécessaire pour continuer à vivre et préparer le prochain tour des combats. Les civils sont les plus grands perdants de ces combats ignobles.

27 novembre 2023

C’est comme ça que nous faisons monter l’eau vers les réservoirs lorsqu’il n’y a pas de courant.

Ca va comme ci comme ça, j’espère mourir le plus vite possible…

28 novembre 2023

Le gouvernement palestinien a décidé d’avancer 50 des salaires [aux fonctionnaires], le Hamas a de son côté décidé de verser 800 shekels (environ 210 USD). L’UNRWA a versé à ses employés une prime de risque de 300 USD en plus de leur salaire. Quelle farce… Ce que le gouvernement palestinien et ce que le gouvernement de Gaza ont versé à leurs employés ne suffit pas à combler leurs dettes après 50 jours de guerre et alors que les prix flambent? Comment continueront ils à payer dans ces conditions si difficiles?

1er décembre 2023

Le quartier Al-Rimal à Gaza

2 décembre 2023

Je suis allé au marché ce matin, je n’ai pas pu acheter tout ce que je voulais. Le prix des légumes a tellement grimpé, après que l’armée israélienne a bombardé la partie Est de Khan Yunis, où elle est aussi entrée, et que nous considérons comme le grenier à blé de la Bande de Gaza….Si les incursions augmentent dans cette région, les gens ne trouveront plus rien à manger…

Ce qu’Israël ne détruit pas en employant la force, elle essaie de le faire avec le régime de la famine…

3 décembre 2023

De violents bombardements en ce moment dans les régions de Khan Yunis et de Beit Lahia. La division de ces secteurs va accroitre encore la souffrance des habitants, il va falloir bouger davantage pour se nourrir et prendre plus de risques, l’aide humanitaire va être beaucoup plus difficile à délivrer d’un endroit à l’autre. Le fait d’isoler Khan Yunis des autres secteurs va priver toute la population de légumes. On s’attend à ce que les opérations militaires augmentent à Khan Yunis, il va encore y avoir des massacres, des destructions d’immeubles résidentiels, comme dans la ville de Gaza et dans le nord…

Le kilo de tomates est passé de 1,5 à 10 shekels, un kilo de sel qui valait 1 shekel en vaut 20…

5 décembre 2023

Les difficultés sont chaque jour plus importantes…Je passe 80% de mon temps à essayer de répondre à nos besoins de base. Notre routine quotidienne a changé, le nombre de tâches est toujours plus important- chercher une source d’énergie pour recharger les batteries et nos téléphones, chercher de l’eau potable et la transporter jusqu’au container, chercher de l’eau pour nos autres usages, chercher de la farine et, si il y en a, la payer à un prix raisonnable, chercher d’autres provisions, dont la plupart viennent à manquer, chercher du bois pour cuisiner en l’absence de gaz, le couper, réparer ce qui est cassé par un usage excessif ces dernières semaines- ce sont là des petits détails mais ils sont si nombreux. La vie devient si fatigante …

6 décembre 2023

Le nécessaire pour vivre à Gaza aujourd’hui

Cet infirmier raconte comment les chars ont visé deux ambulances du Croissant Rouge Palestinien alors qu’ils transportaient des morts et des blessés hier à Deir Al-Balah, dans le centre de la Bande de Gaza

J’ai pu me réfugier de Khan Yunis à Rafah, un ami me prête une chambre pour ma famille, nous y sommes à huit

7 décembre 2023

Si tu te rappelles de notre ancien collègue, B. Il a perdu presque tous ses enfants ainsi que ses frères et soeurs, et sa femme est très gravement blessé….Nous nous sommes repliés sur Rafah, en espérant trouver quelque chose à louer mais même là nous ne sommes pas totalement en sécurité, comme nulle part ailleurs. On n’y trouve plus rien, ni boulangerie, ni magasin, ni pharmacie, c’est une terre vide!

L’école Halab à côté de l’hôpital indonésien, dans le nord de la Bande de Gaza

« Pardonne moi, fils, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour toi »: la scène douloureuse de cette femme palestinienne embrassant son enfant qui a été tué par un bombardement

Une vague d’arrestations aujourd’hui dans le nord de la Bande de Gaza, tous les jeunes hommes de plus de 15 ans ont été arrêtés, certains exécutés, les autres ont été déshabillés alors qu’il commence à faire très froid ici, des vidéos circulent…Voilà comment l’occupation traite les jeunes et les plus âgés. Ils sont kidnappés, impossible de savoir où ils vont…

10 décembre 2023

J’ai été blessé à la jambe, nous étions réfugiés dans une école, heureusement je peux prendre des médicaments et quelqu’un de ma famille me soigne et s’occupe de mes bandages, parce que c’est trop compliqué d’aller jusqu’à l’hôpital

Plus aucune connexion pendant quelques jours….

18 décembre 2023

Bonjour, Internet totalement coupé pendant quelques jours…l’artillerie lourde en renfort des bombardements aériens, nous sommes sur le qui-vive en permanence, mais nous allons bien, nous survivrons ma chère!

Comme tu peux le lire dans les médias, l’aide arrive régulièrement, en plus grosses quantités, mais sur le terrain rien ne change les marchandises manquent toujours, et les prix continuent à flamber. Pour ma part, ma famille n’a jamais rien reçu de cette aide.

Désolé de ne pas écrire beaucoup, je souffre de la grippe depuis plusieurs jours, je me sens totalement épuisé, mais impossible de prendre du repos, je dois subvenir au nécessaire pour ma famille

Je suis encore vivant, je fais de mon mieux pour quitter Gaza ou au moins faire sortir ma femme et mes enfants, je passe tout mon temps à étudier des pistes, j’espère réussir…

On va bien! Les quantités d’aide ont augmenté mais ça ne couvre même pas 10% de l’aide. le problème c’est l’entrée dans la Bande de Gaza, il faut passer par des checkpoints israéliens et ils n’acceptent que peu de camions

22 décembre 2023

Bonjour de Gaza. Chaque jour, ils nous demandent d’évacuer un endroit pour un autre prétendument plus sur, puis ils redemandent encore d’évacuer pour rejoindre un autre endroit prétendument encore plus sur. Aucun endroit n’est plus sur à Gaza. Aujourd’hui ils nous ont demandé d’évacuer le quartier résidentiel qui entoure ma maison et de bouger plus au sud. Je reste chez moi, je ne partirai pas. Et nous survivrons malgré le danger.

L’armée israélienne étend ses attaques sur le terrain y compris dans des lieux qu’elle n’avait pas encore pénétré. Elle devrait arriver dans les prochaines heures dans les régions de Nuseirat et Al Bureij. Des dizaines de milliers d’habitants de ces régions sont en train de fuir, certains d’entre eux pensent pouvoir être abrités dans des écoles déjà surpeuplées. Bien sur la communication est totalement interrompue dans la région de Nuseirat, nous nous attendons à des massacres dans ces régions là…

Maintenant ils lancent des bombes légères et il y a une intense circulation de drones au-dessus de Nuseirat

23 décembre 2023

Bonjour de Gaza. L’armée israélienne n’est pas entrée dans Nuseirat hier mais des bombes aériennes ont ciblé plusieurs endroits. Les téléphone cellulaires sont toujours coupés dans la zone. Internet fonctionne de façon intermittente. La crise va passer, comme les autres, on se reverra dans d’autres circonstances! Je sors maintenant, pour essayer de trouver de la farine. Et ramener un peu de nourriture…Nous accueillons trois familles déplacées à la maison.

24 décembre 2023

Seconde nuit après l’ordre donné d’évacuer Nuseirat…des bombes flash ont été lancées, la maison à côté de la notre a été ciblée par un missile…on entend clairement le bruit de l’obus dans la vidéo. Pas de blessés…L’armée continue à tirer des fusées éclairantes au-dessus de la région, avec des vols de drones intenses, et des bombardements par intermittence.

Aujourd’hui j’ai pu acheter deux paquets de farine, de 25 kg chacun, à un prix raisonnable, de 175 shekels (de 44 euros chacun). C’est assez pour ma famille et les familles déplacées que nous hébergeons pour une semaine…Je crois que les choses peuvent s’améliorer si l’aide continue à rentrer comme prévu…

Je suis allée faire des courses aujourd’hui. Les prix sont un peu meilleurs que les jours précédents, mais la nourriture de base- huile, farine, sucre, etc- continue à manquer et les prix sont très élevés. Je pense que la plupart des denrées qu’on trouve sur le marché proviennent de l’aide humanitaire. Comment arrivent elles sur le marché et sont elles vendues à un prix si élevé…

25 décembre 2023

La vie continue ma chère…Joyeux Noël, pas de nouvelles aujourd’hui!

26 décembre 2023

J’espère que tu as passé un joyeux Noël en famille. La vie est courte, il faut toujours profiter des moments de bonheur. Ce sont eux qui nous donnent la force de continuer.

Depuis ce matin, de nombreux habitants de Nuseirat commencent à bouger vers le sud….après que l’armée israélienne ait menacé d’incursions dans la région, et ait commencé dans la soirée du 24 décembre à bombarder violemment les zones de Nuseirat et Bureij. Des bombardements non stop, jour et nuit…Presque tous les habitants de mon quartier sont partis…Jusqu’à présent, je pense rester malgré la pression de ma famille et des voisins…Nous n’avons pas encore pris de décisions mais j’ai très envie de rester…

28 décembre 2023

Nous n’avons pas pu dormir cette nuit, mes enfants ont quitté leur lit et sont venus dormir à mes côtés. Les bombardements violents, les explosions et les bombes éclairantes se sont succédés toute la nuit, sans interruption. Je devais rassurer chacun de mes enfants à chaque fois qu’ils se réveillaient au bruit des explosions.

Je viens de prendre la décision d’emmener ma famille à Rafah, le stress est à son comble, quels choix difficiles à faire…J’ai trouvé un camion pour transporter quelques bagages, matelas et couvertures. Il m’a demandé 1 000 shekels (250 euros) pour nous emmener à Rafah, après négociations je paierai 800 shekels. Je ne sais pas si je pourrai continuer à communiquer avec toi durant ce déplacement et sur place, les communications sont sans cesse interrompues. Mais j’essaierai de continuer à t’informer. Quitter ma maison a été l’une des décisions les plus difficiles à prendre de toute ma vie. Mais j’y retournerai dès que possible! Nous survivrons, avec la famille, et ces évènements deviendront des souvenirs. Et nous recommencerons à vivre, parce que notre vie n’est pas qu’un simple départ, elle est la somme de plusieurs départs.

Nous sommes arrivés à Rafah…après nous êtres arrêtés deux heures sur la route, à cause de bombardements depuis des canonnières positionnées dans la région d’Al-Mawasi, entre Khan Yunis et Rafah. Nous sommes arrivés après le coucher du soleil, j’ai réussi à trouver ma route…Nous sommes chez un membre de la famille. La journée a été épuisante.

30 décembre 2023

Les conditions de vie à Rafah sont extrêmement dures, il y a des dizaines de milliers de tentes un peu partout, sur la chaussée, dans les champs, dans les cours…alors que toutes les écoles et les bâtiments publics sont détruits. L’aide qui entre ne permet pas de couvrir les besoins en nourriture et en médicaments, et dans les centres de déplacés on manque de tentes, de lits, de couvertures…De nombreux déplacés frappent à la porte des habitants de Rafah pour demander de l’aide…de quoi dormir, des vêtements pour les enfants, surtout depuis que l’hiver a commencé. Il fait très froid, surtout la nuit… Il y a beaucoup de femmes enceintes qui ont besoin de soins, beaucoup de personnes âgées atteintes de maladies chroniques qui n’ont plus de traitement…

1er janvier 2024

Mon appartement est au 3ème étage de cet immeuble. Je n’ai plus de maison…

Jeudi 4 janvier 2024

Rafah….les conditions de vie y sont catastrophique. La ville de Rafah compte désormais 1,4 millions d’habitants (150 000 habitants en temps normal selon les derniers chiffres) après que tous les habitants de la région centrale de la Bande de Gaza s’y soient déplacés face à l’oppression…et sous les feux de l’artillerie et le déploiement de snipers un peu partout…à Al-Maghazi, Al-Nusseirat, Al-Zawaida, et sur la route de Salah Al-Din (qui traverse la Bande de Gaza). Les gens ont tout laissé derrière eux…pas de vêtements, pas de lit, pas de nourriture….même les plus chanceux qui ont pu trouver un moyen de transport se sont retrouvés en plein air, sans eau, sans nourriture, sans tente, et sans personne pour les aider. Le désastre a de nombreuses facettes à Rafah.

Les abris: les arrivants étaient censés pouvoir trouver une place à l’abri mais ils n’ont trouvé que le sable et ont dû se débrouiller pour acheter l’équipement nécessaire pour fabriquer une tente, alors que les prix se sont envolés comme jamais auparavant…le coût des tentes les moins chères dépasse les 1000 shekels (270 dollars US). Et elles ne servent qu’à dormir, impossible d’y cuisiner, impossible de s’y isoler, spécialement pour les femmes…

La nourriture: quand on dit que les déplacés sont désormais en situation de famine, on n’exagère pas…De nombreux enfants vont au lit le ventre vide, affamés, leur famille ne peut pas les nourrir, malgré ce que nous entendons sur une prétendue aide humanitaire, qui visiblement ne profite qu’à quelques uns. Mais on retrouve cette aide sur le marché, où elle est revendue: comment l’aide humanitaire arrive-t-elle au marché noir? Qui est responsable de ça??

Les vêtements et les couvertures: ce n’est un secret pour personne que nous sommes entrés dans la saison hivernale. Il y a de plus en plus de besoins en vêtements chauds et en couvertures alors que la plupart des déplacés utilisent leurs habits pour se construire une tente…Imaginez les enfants tremblant de froid, incapables de dormir, alors que leurs parents les regardent, impuissants…la seule chose qu’ils peuvent faire, c’est les serrer dans leurs bras, eux-mêmes ne portent pas d’habits chauds.

Les traitements et les médicaments: quand autant de monde cohabite dans un si petit espace et dans un environnement non sain, il est normal que les maladies se propagent, spécialement pendant l’hiver, et son lot de rhumes, de grippes, d’infections. je ne parle même pas des maladies chroniques. Je n’ai relevé la présence d’aucun point de santé dans le quartier de Tal Al-Sultan à Rafah!!! Impossible de trouver des antibiotiques, des anti-douleurs, tout comme les médicaments nécessaires aux maladies chroniques. On peut juste se rendre compte du nombre important de gens qui souffrent dans les lieux de refuge. Et je ne parle même pas du nombre de morts, qui augmente à chaque heure, et des blessés qui saignent à mort faute de soins, alors que les équipes médicales ne peuvent arriver jusqu’à eux, sous les bombardements continus….Les équipes médicales et les ambulances sont ciblées, et elles font cruellement défaut…

L’insécurité, le manque d’énergies, d’eau et de communication. Les désastres auxquels fait face la population de Gaza aujourd’hui nécessitent des spécialistes pour étudier les besoins et y répondre. Ce que le gouvernement sud-africain a fait en poursuivant Israël pour génocide contre le peuple Palestinien, personne ne peut l’ignorer…Où sont les ONG pour les droits des femmes? Où sont les ONG pour les droits des enfants? Où sont les ONG de droit de l’homme? Pourquoi ne rapportent elles pas ensemble ce qui se passe ici et ne condamnent elles pas ensemble la situation humanitaire catastrophique de Gaza??? Mais, à Gaza, nous continuons d’être fiers et de dire que le monde entier est avec nous….and tout ce qu’il reste en Israël, ce sont quelques entités politiques qui ont perdu toute humanité….Pour le reste: portez vous bien, camarades! Vous êtes tout ce qui reste d’humanité dans ce monde si profondément injuste. Voilà ce qu’est Gaza aujourd’hui…

Vendredi 5 janvier 2024

Les camps de Rafah…

Dimanche 7 janvier 2024

Mauvaise nouvelle….Une de mes connaissances à Nusseirat m’informe que la maison face à la mienne a été ciblée, et que ma maison a subi des dégâts. je ne connais pas l’étendue des dommages…

9 janvier 2024

Gaza, la mort au bout, et la vie, toujours plus forte!

Plus aucune connexion pendant plus d’une semaine, les Gazaouis coupés du monde, pendant ce temps les bombardements israéliens continuent sans relâche

20 janvier 2024

Je suis toujours vivant, rassure toi, mais il n’y avait plus de connexion, ça vient de revenir mais ça n’est pas stable, content que quelqu’un se préoccupe de moi…

Je suis retourné à Nusseirat pour voir l’état de ma maison, voilà ce que j’ai vu. Impossible de vivre dans cette maison, le réservoir d’eau est percé et vide, plusieurs canalisations sont détruites. Un des murs de l’appartement est totalement démoli, un autre mur menace de s’effondrer et plusieurs de nos meubles sont totalement détruits. J’ai essayé de réparer ce que j’ai pu mais je n’ai pas pu aller jusqu’au bout, impossible, d’autant que les bombardements se poursuivent. J’ai décidé de retourner à Rafah jusqu’à ce que la situation s’améliore un peu.

22 janvier 2024

Bonjour depuis Gaza. Le bombardement d’hier entre Khan Yunis et Rafah était le prélude à une incursion terrestre de l’armée israélienne. L’armée a atteint la zone de Al-Mawasi et de l’Université Al-Aqsa. Plus de 20 personnes ont été tuées à Al-Mawasi, là même où l’armée israélienne a demandé aux habitants de se rendre dans ce qu’elle considère comme « un endroit sur ». Il n’y a pas d’endroit sur à Gaza….

27 janvier 2024

Après une nuit froide et pluvieuse, je suis sorti ce matin avec 3 de mes proches pour aller voir le campement des personnes déplacées à l’ouest de la zone de Tal-al-Sultan, à Rafah. Ce que j’ai vu ressemble à un désastre: des tentes détruites, d’autres envolées à cause des vents violents, des femmes et des enfants trempés. Leurs pleurs fendaient le coeur, tout comme les voir essayer de se réchauffer entre eux. Nous avons aidé certains à réparer leur tente. Je n’ai pas pu prendre de photos…

28 janvier 2024

Scènes difficiles…Les gens se déplacent de Khan Yunis à cause de l’escalade des agressions des forces occupantes.

7 février 2024

Long échange avec un ami gazaoui sur plusieurs déclarations côté israélien et côté palestinien laissant envisager un cessez-le-feu et une trêve.

[Malgré ces déclarations, les choses restent floues et il est devenu très difficile d’espérer…En ce qui nous concerne, ma famille et moi, nous repartons sur Nuseirat demain. J’espère que je trouverai une source Internet pour continuer à échanger avec toi.

9 février 2024

Bonjour de Gaza. Je suis arrivé à Nuseirat cet après-midi et j’ai pu obtenir avec beaucoup de difficultés une connexion Internet. Je vais commencer à travailler à ma maison en priorisant. Je vais d’abord isoler une chambre du froid, pour que nous puissions dormir cette nuit. Il y a beaucoup de réparations à faire, mon plus grand problème, c’est le manque de matériaux pour pouvoir les engager. Lorsque j’en trouve, ils sont très chers.

11 février 2024

Quelques vidéos de la ville de Gaza où a pu retourner une partie de l’équipe de Médecins du Monde

12 février 2024

Bonjour depuis Gaza. Opération à Rafah cette nuit: l’armée israélienne a libéré deux otages. Cela va probablement légitimer Netanyahu pour aller au bout de l’incursion terrestre à Rafah, malgré l’opposition de monde entier à cette opération.

19 février 2024

Bonjour! Nous allons bien, merci de t’en inquiéter, j’ai été très occupé ces derniers jours à réparer ma maison, pour pouvoir de nouveau y habiter après tous les dégâts qu’elle a subi, comme je te l’ai dit elle a souffert des bombardements qui ont détruit plusieurs immeubles adjacents. Il me reste encore beaucoup à faire, si j’arrive à trouver le matériel…Les matériaux se raréfient sur les marchés et deviennent hors de prix.

28 février 2024

Ma famille et moi allons bien. Nous attendons les résultats des négociations qui ont lieu en ce :moment à Paris, au Caire, au Qatar, en espérant que cela débouche rapidement vers un cessez-le-feu…La situation à Gaza est devenue insupportable. En plus des privations d’eau, d’électricité, de télécommunications, il y a une guerre d’une autre espèce, une guerre de « l’inflation », les prix sont devenus fous alors que nous cherchons juste à satisfaire nos besoins élémentaires, il n’y a plus aucun contrôle de ces prix. Ceux qui échappent à la mort lorsque des missiles sont tirés sur notre territoire n’échappent pas à la famine. L’aide humanitaire est revendue sur le marché dix fois son prix alors que les gens n’ont plus aucun revenu. J’ai quand même pu réhabiliter ma maison et réparer la plupart des dégâts causés par les bombardements. Mais il reste encore beaucoup à faire…en attendant d’avoir la matière première disponible.

17 camions chargés d’aide et de tentes sont entrés aujourd’hui dans le nord de la Bande de Gaza. Des comités populaires ont été créés pour combattre la hausse des prix. Le Hamas sait que la trêve approche, et que les gens sont mécontents de ces prix outragement élevés. Ils ont affirmé haut et fort qu’ils étaient contre cette inflation. La question est la suivante: comment les marchandises provenant de l’aide humanitaire sont arrivées entre les mains des commerçants?

Voici les membres de ces fameux comités populaires….Le problème de la hausse des prix ne se résoudra pas en chassant les petits commerçants de la rue ou en les intimidant. Le système entier va devoir être revu, en commençant par le ministère de l’Economie et un contrôle entre le moment où les marchandises sont reçues et celui où elles sont revendues. Avec une liste de prix rendue publique et auditée.

5 mars 2024

Message de Khaled, habitant de Gaza

Le Printemps du CARE ⏚: « 150 secondes pour 150 jours de… » – La Quadrature du Net – Mastodon – Media Fédéré (mamot.fr)


Carnet de bord- Territoires Palestiniens- Octobre 2002

En 2002, j’ai rejoint la Campagne Civile Internationale pour la Protection du Peuple Palestinien et mis pour la 1ère fois les pieds en Cisjordanie, où je suis ensuite plusieurs fois retournée pour différentes ONG. S’inscrivant dans la campagne des associations pour la demande d’une force de protection du peuple palestinien, les initiateurs de la CCIPPP ont voulu y ajouter la notion que si la communauté internationale n’intervenait pas, il incombait aux citoyens de le faire en allant là-bas sur le terrain pour voir ce qui s’y passe réellement, exprimer leur solidarité active aux Palestiniens et rapporter des témoignages vécus précis, cela nécessitant de trouver un équilibre entre les missions vers la Palestine et leur prolongement par des actions en France et en Europe. Ce texte date un peu mais traduit déjà mon désir de journalisme.


Vingt ans après- Retour en Palestine- Octobre 2022

En ce mois d’octobre 2022, je rentre de Palestine où j’ai passé quelques jours. Quinze ans ont passé depuis ma dernière visite. La situation générale semble en apparence n’avoir guère changé mais elle a gagné en complexité. La lecture d’une carte actualisée de la Cisjordanie nécessite un effort de compréhension. La région reste découpée en trois zones, mais elle s’est transformée en un vaste ensemble d’archipels.  La zone A est totalement administrée par l’Autorité Palestinienne, contrairement à la zone B sur laquelle elle n’a qu’un mandat partiel, et la zone C, qui ne cesse de s’étendre, est sous contrôle israélien. Il n’y a aucune homogénéité dans la carte d’aujourd’hui: le tracé du mur de séparation empiète sur l’intérieur de la Cisjordanie,  les routes principales sont entrecoupées de checkpoints, des routes secondaires sont réservées aux palestiniens, d’autres aux israéliens, les colonies se sont multipliées. C’est un vrai casse-tête pour les géographes.  Le tracé de la Bande de Gaza n’a de son côté pas bougé, mais le territoire demeure entièrement hermétique et la zone de pêche autorisée par Israël a encore été réduite.

« Trouves-tu la Palestine changée? » me demandent des amis palestiniens. Comment répondre à la question sans encombrer le lecteur d’une multitude de détails qui témoignent pourtant de conditions de vie sans cesse détériorées?

Quels réels changements en 20 ans? Quelques chiffres peuvent servir d’indicateurs.

Il y a 20 ans, Ariel Sharon ordonnait la construction d’un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie , pour mettre fin aux attaques « terroristes » selon ses termes. A ce jour, long de 712 kms, le mur de séparation est construit à près de 70% et a permis à Israël de récupérer unilatéralement près de 10% du Territoire palestinien occupé tel que défini par les accords d’Oslo.

Il y a 20 ans, 220 000 israéliens vivaient dans des colonies en Cisjordanie (et encore, celles que l’Etat israélien dit avoir autorisé bien que non reconnues par le droit international). Ils sont aujourd’hui entre 600 000 et 750 000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, sans compter ceux qui vivent dans la centaine d’avant-postes construits sans l’autorisation des autorités israéliennes mais tolérés et protégés par l’armée.

Il y a 20 ans, en pleine deuxième Intifada, le taux de chômage en Palestine avait quasiment triplé, culminant à plus de 28% en 2004. Aujourd’hui, ce taux stagne, il est devenu le plus élevé au monde. A Gaza, plus de la moitié de la main-d’œuvre est sans emploi, et 83% des travailleurs ont un salaire inférieur au salaire minimum.

Il y a 20 ans, la population palestinienne était de 3 230 000 habitants; elle s’élève en 2021 à 5 410 000 habitants. Les enfants représentent l’espoir d’une population qui subit la ségrégation, et que plusieurs organisations internationales de droits humains n’hésitent plus aujourd’hui à qualifier d’apartheid.

Il y a 20 ans, l’aide extérieure représentait 21% du PIB palestinien, aujourd’hui elle n’atteint qu’à peine 2% de ce même PIB.

Les rapports se succèdent. La Banque Mondiale, la CNUCED (Conférence des Nations-Unis sur le commerce et le développement), l’Agence Française de Développement, l’Union Européenne… Les chiffres sont accablants et font la démonstration des effets pervers de l’occupation sur l’économie palestinienne, exsangue comme jamais, mais qui s’en alerte encore?

Humiliations et vexations sont devenus le lot quotidien d’une grande majorité de civils palestiniens et, depuis quelques semaines, le Territoire occupé connait une escalade de violence rarement atteinte depuis la deuxième Intifada.

Quelques exemples en ce début octobre: cette femme mise à terre et trainée par des soldats près de la porte de Damas à Jérusalem; des enfants étouffés par la fumée des gaz lacrymogènes dans une école près de Naplouse; un agriculteur cerné de quelques colons menaçants près d’Hébron qui, armés de bâtons, lui enjoignent de quitter son champ; toutes les routes bloquées tout autour du camp de Shufat, près de Jérusalem, provoquant des embouteillages monstres et empêchant des milliers de personnes d’aller étudier ou travailler; cette manifestation de colons armés de pierres et de barres de fer au sud de Naplouse.

Si la confrontation n’est pas unilatérale, elle est disproportionnée et totalement asymétrique et, côté palestinien, les civils la subissent tous les jours, sans exception.

Sur l’échiquier politique, c’est l’impasse. L’Autorité palestinienne n’administre plus grand-chose et a perdu toute légitimité auprès de la population. Le Hamas contrôle la Bande de Gaza et y fait régner ses propres lois. Il a obtenu ces derniers mois quelques facilités pour l’entrée des travailleurs gazaouis en Israël et n’a pas intérêt à entrer de nouveau en conflit ouvert. Difficile d’espérer même un simulacre de réconciliation, malgré l’accord signé le 13 octobre dernier à Alger, dans lequel le Hamas et le Fatah promettent des élections législatives et présidentielles l’année prochaine, les premières depuis 16 ans déjà, alors que les scrutins prévus l’année dernière avaient été reportés de facto par l’Autorité Palestinienne. Le prochain sommet de la Ligue Arabe, les 1 et 2 novembre, également à Alger, a-t-il vraiment une chance de dépasser les seuls intérêts économiques qui guident les rapports de force entre la plupart de ses membres et les grandes puissances mondiales? On peut en douter. Du côté israélien, à deux semaines des prochaines élections législatives, les cinquièmes en trois ans et demi, l’ancien Premier Ministre Benjamin Netanyahou compte bien revenir au pouvoir. Le système de représentation proportionnel l’oblige à former une coalition avec d’autres partis de droite. En-effet, si les sondages lui sont plus favorables qu’à l’actuel Premier Ministre, Yaïr Lapid, qui pilote une coalition centriste, il devra pour gagner s’allier à l’extrême-droite, réunie autour de deux partis ultra-orthodoxes, Sionisme religieux et Puissance juive. Ce serait alors la coalition la plus à droite que le pays ait jamais connu.

La communauté internationale est d’abord guidée par des intérêts économiques. Le gaz devient ces temps-ci un outil de la diplomatie israélienne. L’Union Européenne se désintéresse du sort des palestiniens et, en recherche d’alliés, s’aligne progressivement sur l’Etat hébreu. Les Etats-Unis viennent d’annoncer une hausse des pénalités appliquées aux entreprises qui boycottent Israël, dans le but notamment de faire pression sur la Ligue arabe pour qu’elle normalise ses relations avec l’Etat hébreu. Si les échanges économiques avec la Chine ont un peu décliné, elle demeure et de loin le principal partenaire commercial d’Israël en Asie.

Il est difficile d’espérer le réenclenchement d’un processus de paix. Israël semble gérer à court terme un conflit dont l’intensité varie selon les périodes mais dont il reste maitre du jeu. Cependant depuis quelques mois, un groupe de jeunes militants palestiniens, les Lions Den (la Fosse aux Lions) fait parler de lui. Certains de ses membres sont proches des principales factions armées palestiniennes, qui le financent par ailleurs. Très présent sur certains réseaux sociaux, le groupe dit souhaiter l’unité palestinienne dans la lutte armée et revendique plusieurs fusillades récentes contre l’armée israélienne, à Naplouse notamment. Pour les palestiniens que j’ai croisé ces derniers jours, les Lions Den recentrent le combat sur le sort de la population et réaffirment le refus de l’occupation, désormais tolérée par des partis politiques qui négocient aujourd’hui avec Israël leurs intérêts propres. S’il est trop tôt pour préjuger de l’importance qu’il pourraient prendre, ils ravivent l’esprit de la résistance.

Les équilibres politiques demeurent quoi qu’il en soit bien fragiles. Que va-t-il advenir des Palestiniens? Qui se le demande encore?